L'entreprise libérée, une mode ou bien le modèle du futur ?

Je choisis de revenir un instant sur la conférence animée par Isaac GETZ et nommée "l'entreprise libérée : libérer l'initiative et le potentiel de chacun pour le bien de tous".
A l'issue de la conférence, j'ai été marquée par l'engouement de la salle, un sentiment de joie simple flottait sur le Palais des Congrès, un vent d'enthousiasme collectif, d'optimisme pour l'avenir et de valeurs humanistes partagées, aussi.
Moi aussi j'ai été transportée par les arguments simplement illustrés, avec humour parfois, de M. Isaac GETZ. Une conférence agréable et visiblement bien rodée.


Deux principes philosophiques soutiennent le concept de l'entreprise libérée : la liberté et la responsabilité.
Après quelques jours et, un peu de recul, je pose ici quelques questionnements personnels sur le concept de l'entreprise libérée.

De quoi parle-t-on ?
Entreprise  libérée, entreprise positive, entreprise humaniste, entreprise collaborative... ? S'agit-il du même modèle ?

L'entreprise libérée mais libérée de quoi au juste ?
Libérer, c'est "enlever ce qui retient quelqu'un" ou bien c'est "relâcher quelqu'un qui était prisonnier".
Mais qui au juste retient le potentiel des salariés ?
Les salariés sont-ils prisonniers de leur entreprise et de leur organisation ?
S'agit-il donc de libérer les salariés de leurs managers ? de les libérer des cases dans les organigrammes ? de les libérer des procédures qui les emprisonnent ? des descriptifs de poste qui les enferment ?

Libérer c'est aussi "rendre libre ce qui était soumis à des restrictions, à des limitations ; c'est laisser se manifester ce qui était contenu ou caché...".

Si l'objectif de l'entreprise libérée est de libérer l'initiative et le potentiel de chaque collaborateur, que font les managers d'aujourd'hui ?
Isaac GETZ rappelle qu'un homme heureux au travail donne le meilleur de lui-même pour son entreprise et que, ce faisant, l'entreprise se développe positivement et dans la durée. Nous sommes ainsi dans un cercle vertueux.

Et c'est quoi un homme heureux au travail ?

Est-ce un homme qui a trouvé sa juste place dans son environnement professionnel ?
Et s'il a trouvé sa juste place, prend-il effectivement des initiatives ? a-t-il de ce fait accès à l'ensemble de ses ressources ? se sent-il libre, responsable et engagé ?
Quelles sont les raisons qui poussent les entreprises françaises aujourd'hui à aller vers l'entreprise libérée ? Des raisons économiques ? des raisons humanistes ou philosophiques ?

Et ce concept d'entreprise libérée est-il vraiment adapté pour tous dans l'entreprise ? Et que faire de ceux que ne veulent pas de ce "modèle" ? Et comment accompagner ceux qui perdent leur "pouvoir", les signes de reconnaissance acquis, ou leur place tout simplement ? Comment les accompagner dans les potentielles blessures égotiques ?

L'entreprise libérée, un phénomène de mode ou l'entreprise du futur ?

Ce concept de l'entreprise libérée n'est pas nouveau : la première entreprise "libérée" aurait vu le jour en France en 1983;
Alors pourquoi cet engouement en France, notamment ?
Est-ce la prise de conscience que nous travaillons dans un environnement de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu ?
Isaac GETZ précise que les entreprises françaises et leurs salariés doivent être extraordinairement agiles et créatifs pour anticiper leur évolution et leur devenir. Elles doivent aussi anticiper l'évolution des besoins de leurs clients et de leurs salariés.
Et puis, il y a eu l'arrivée dans le monde du travail de la génération Y, puis de la génération Z et il semblerait que les jeunes ne veulent plus être contraints de demander 5 signatures pour obtenir quelque chose.. Soit ils se rebellent et achètent eux-mêmes en dehors des procédures, soit ils décident de prendre la porte.....

"L'entreprise libérée c'est avant tout une philosophie, un entreprise fondée sur la liberté et la responsabilité" indique Isaac GETZ.
Le concept repose sur le fait que "l'homme donne le meilleur de lui même s'il travaille dans un environnement qui plutôt que lui ordonner, lui offre la liberté d'action, plutôt que le contrôler, lui fait confiance".
Isaac GETZ précise qu'il n'y a pas de modèle de l'entreprise libérée et que chaque entreprise doit co-construire son propre mode d'organisation dans le respect de son héritage humain et culturel.

Et il ajoute : "La bonne question n'est pas ce qu'est l'entreprise libérée mais ce qu'est le leader libérateur" introduisant ainsi le fait que le modèle de l'entreprise libérée "touche à des choses concrètes comme la capacité pour le manager de lâcher son ego, de faire confiance et de supprimer tout ce qui étouffe l'intelligence et l'action des salariés".
Enfin, il indique que, à condition de faire un travail sur soi et d'avoir un mandat, tout patron peut devenir un libérateur pour son entreprise.
La phase ultime de cette transformation de l'entreprise c'est l'holacratie. Dans cette forme d'organisation, non seulement la hiérarchie est supprimée, mais le principe de services (dans le sens département) l'est également. Il n'est plus question de fiches de postes, mais de rôles assurés en toute autonomie au sein de cercles partageant le même but. L'intelligence collective prend ici une place centrale.

Quel impact su nos missions d'accompagnement des entreprises ? Allons-nous voir apparaître de nouvelles demandes de coaching individuel ? de nouvelles formes de coaching d'équipes ? Quel impact sur les formations au management ou au leadership ?
Aurons-nous demain à accompagner des managers intégrés dans des organisations libérées ? des managers qui seront sur ce chemin de leader libérateur ?

"Le concept de l'entreprise libérée ne se dit pas, ne se raconte pas, il se vit !" conclut Isaac GETZ.
A suivre avec attention, sans aucun doute.